Inquisizione nei Paesi Bassi (età moderna)

Dizionario di eretici, dissidenti e inquisitori nel mondo mediterraneo
Edizioni CLORI | Firenze | ISBN 978-8894241600 | DOI 10.5281/zenodo.1309444


L'Inquisition aux Pays Bas à l'époque moderne
par Jean Pierre Dedieu

On constate la présence "d'inquisiteurs apostoliques" dominicains aux Pays-Bas depuis le moyen âges. Ils ne semblent pas avoir eu une grande activité. Un tournant est pris lorsque se manifeste un puissant mouvement de réforme religieuse, influencé par tous les courants qui traversent alors l'Allemagne, contrée dont est empereur sous le nom de Charles V, le souverain des Pays Bas, le duc Charles. Il ne souhaite nullement l'exportation des tensions qui déchirent l'Empire sur ses terres patrimoniales, qui forment par ailleurs un ensemble composite d'états et de cités anciennement indépendants, récemment agrégé sous une souveraineté unique et encore fragile. Une succession d'édits, de plus en plus sévères, réprime toute expression de ralliement à la Réforme. A partir de l'ordonnance du 14/10/1529, la peine encourue est la mort, chatiment rapidement. Vers 1559, après la publication d'une abondante séreie de dispositions complémentaires, une législation est en place, applicable à l'ensemble des Pays-Bas, définis comme les territoires placés sous l'autorité de Charles (jusqu'en 1556) puis de son fils Philippe - Philippe II d'Espagne -, et gérés depuis Bruxelles. Elle va bien au-delà des dispositions canoniques sur l'hérésie: elle prévoit la mort même pour les hérétiques repentis, elle interdit aux juges d'adoucir les sentences, elle impose aux accusés la charge de la preuve, elle déclare criminelle non pas l'intention hérétique, comme il est de règle en droit inquisitorial, mais la simple exécution d'actes matériels qui ne constituerait pour l'inquisition apostolique que des indices, elle exige enfin de tout résidant la possession d'un certificat de catholicité fourni par son curé. C'est une législation civile et non ecclésiastique, imposée par le souverain dans le cadre du droit civil. Rarement le pouvoir politique se sera engagé aussi loin sur la voie de la répression religieuse, de manière aussi brutale et, disons-le, avec un tel manque de subtilité.
Il s'avéra rapidement que l'Etat ne disposait pas de l'appareil judiciaire nécessaire à l'application de ces mesures. Le fractionnement du pays en multiples juridictions largement autonomes - chacune des dix-sept provinces disposait d'un Conseil d'Etat qui devait enregistrer individuellement chacune des dispositions royales pour les rendre exécutoires sur son territoire -, la rigidité des dispositions légales, souvent perçue comme scandaleuse, la gêne qu'elles causaient aux intérêts locaux et aux échanges commerciaux leur firent perdre une grande partie de leur efficacité et, en dépit de nombreuses exécutions, ne parvinrent pas à enrayer la diffusion des idées qu'elles réprimaient. D'autant que les évêques, en tant qu'inquisiteurs ordinaires, se sentant dépouillé de leur jurdiction en matière d'hérésie, s'opposèrent energiquement à leur application, sans disposer eux-mêmes des moyens de mener à bien une répression qu'ils ne pouvaient efficament mettre en oeuvre qu'avec l'appui des autorités civiles.
Personne ne parait avoir songé, pour résoudre le problème, à réactiver les inquisiteurs apostoliques médiévaux, toujours présents, mais dépourvus de moyens et en butte à l'hostilité du pouvoir politique qui les considérait comme des agents d'une puissance étrangère.
Il était évident que pour rendre efficace la répression, il fallait créer une institution unique qui en aurait le monopole et jouirait de l'appui entier de l'autorité politique. C'est exactement le résultat obtenu en Espagne par les Rois Catholiques. C'est ce que l'on désigne sous les nom "d'inquisition espagnole". C'est ce dont ni les populations ni les notables des Pays-Bas ne voulaient entendre parler. C'est ce que le souverain des Pays Bas échoua à créer durablement, en dépit de ses efforts.
Il déléga d'abord ses propres attributions en matière d'hérésie à un conseiller de Brabant, au demeurant laïc, Françoise Vander Hulst (23 avril 1522) et obtint du pape qu'il le nomme à son tour inquisiteur général dans les Pays-Bas, avec inhibition des inquisiteurs ordinaires (1er juin 1523). A ce moment-là, Vander Hulst jouissait de pouvoirs équivalents à ceux d'un inquisiteur général espagnol. Devant la levée de boucliers qui suivit sa nommination, il fallut le limoger en septembre 1523. Fin de la première tentative.
Le 21 février 1524, sur proposition du souverain, le pape nomma trois inquisiteurs (Olivier Buedens, Nicolas Houzeau et Jean Coppin) pour les Pays-Bas. Il nomma ensuite inquisiteur général l'évêque de Liège, Erard de la Marck (12 février 1525). Il les affranchit tous de l'autorité diocésaine et leur subordonna les inquisiteurs apostoliques existants. La nomination de la Marck, techniquement un souverain étranger, contre l'avis du pouvoir politique, refroidit les ardeurs de ce dernier: il confina les nouveaux inquisiteurs apostoliques dans une sphère réduite en leur interdisant de juger les infractions aux ordonnances. Echec de la deuxième tentative.
L'Empereur Charles fit de nécessité vertu: puisque multiplicité de juridictions il y aurait, il tenta de coordonner leur action du mieux possible en favorisant celles qui lui semblaient les moins dangereuses. Peu soucieux de voir se développer les cours épiscopales, il restreignit leur champ d'action aux affaires strictement religieuses, en dépit des virulentes protestations des prélats. Il développa considérablement la juridiction civile: dans chaque Conseil provincial, une commission de deux membres reçut mission de juger les infractions aux ordonnances, "sans longue figure de procès, et si sommairement que brièvement en raison et équité faire pourront" (édits du 14 octobre 1529 et du 7 octobre 1531). Mais il lui fallut aussi s'appuyer sur les villes et reconnaître la juridiction des justices municipales sur ces mêmes délits: c'était le prix de la collaboration des autorités locales. Ce n'alla pas sans tergiversations de sa part. En 1555, le souverain avait enfin surmonté sa répugnance, et la compétence des cours locales était clairement reconnue. Une série de mesures rendit ensuite une partie de leur autorité aux inqusiteurs apostoliques, fortement appuyés par la papauté, mais les tribunaux civils avaient le monopole des poursuites contre les anabaptistes et le Brabant refusa toujours l'installation de l'inquisition apostolique. On ne sait trop comment se passaient les choses dans la pratique.
La dureté croissante de la répression suscitait de vives oppositions. A partir de 1563, elles cristallisèrentnt autour de la rumeur d'une prochaine introduction d'une inquisition "à l'espagnole". Des réticences s'exprimèrent dans la noblesse et jusqu'au Conseil d'Etat. L'aggravation de la situation amèna Philippe II, alors résident en Espagne, le 31 juillet 1566, à abolir l'inquisition apostolique et à promettre un adoucissement de la répression. Ces mesures étaient caduques avant même leur promulgation et ne furent jamais appliquées. La gouvernante des Pays Bas, la duchesse de Parme, débordée par la crise iconoclaste de l'été 1566, avait du établir de son propre chef des accords locaux de tolérance avec les communautés calvinistes: autorisation des prêches contre respect de l'autorité gouvernementale.
Une dernière tentative pour établir un système de répression centralisé eut lieu sous le duc d'Albe. Du 20 septembre 1567 au 30 octobre 1576, la répression fut centralisée par le Conseil de Troubles, spécialement créé à Bruxelles, qui disposait de commissaires dans tout le pays. Son champ d'action ne se limitait pas à l'hérésie, mais par le biais des infractions aux ordonnances et de la répression de la dissidence politique, il fut amené à s'occuper fortement de cette dernière. Il n'avait pas non plus le monopole des poursuites, mais sa position prééminente semble lui avoir donné un rôle central. D'autant qu'on laissa l'inquisition pontificale s'effilocher: le dernier inquisiteur apostolique, Pierre Titelmans, mourut en 1572 et ne fut pas remplacé. La Pacification de Gand (1576) porta la coup de grâce au système inquisitorial. La juridiction civile fut progressivement mise en veilleuse et la juridiction sur l'hérésie réservée aux officialités. Autant dire qu'on la laissait doucement s'endormir.
Pour ce qui est des chiffres de la répression, en dépit de la difficulté que la fragmentation des juridictions oppose à l'élaboration d'une statistique fiable, Aline Goosen, l'auteur que nous suivons dans cet article, croit pouvoir conclure ainsi: à un début relativement lent des poursuites (1520-1530), fait suite une montée en puissante qui culmine vers 1545 (vers 1551 en Flandres), palier qui se maintient jusque vers 1561-1562. Suit une décrue, tant en nombre de procès qu'en sévérité des sentences, au début des années 1560, jusqu'à la reprise, très vigoureuses, au début de l'activité du Conseil des Troubles, qui propulse les chiffres à leurs maximums absolus. Passé 1570, et surtout 1586, la répression s'affaisse nettement et les exécutions pour hérésie cessent, selon les provinces, entre 1573 et 1632. Au total, entre 4 et 8000 personnes auraient été jugées sous le règne de Charles Quint, 10000 peut-être après, essentiellement en ville, dont peut-être une moitié d'anabaptistes, en proportion très variable selon les lieux. Les sentences furent très diverses. La peine de mort fut souvent prononcée. Elle concerna le tiers des procès où l'accusé était présent, proportion que n'atteignit jamais, notons-le, l'inquisition espagnole.

Bibliographie

  • Goosens, Aline, 1997-1998, Les inquisitions modernes dans les Pays-Bas méridionaux, 1520-1633. T. I. La législation. T. II: Les victimes, Bruxelles, Université de Bruxelles, 2 t.

Article written by Jean Pierre Dedieu | Ereticopedia.org © 2014

et tamen e summo, quasi fulmen, deicit ictos
invidia inter dum contemptim in Tartara taetra
invidia quoniam ceu fulmine summa vaporant
plerumque et quae sunt aliis magis edita cumque

[Lucretius, "De rerum natura", lib. V]

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