Inquisizione spagnola: fonti e archivi

Dizionario di eretici, dissidenti e inquisitori nel mondo mediterraneo
Edizioni CLORI | Firenze | ISBN 978-8894241600 | DOI 10.5281/zenodo.1309444


L'INQUISITION ESPAGNOLE : SOURCES ET ARCHIVES
par Jean Pierre Dedieu

Les archives de l'institution forment l'essentiel des séries documentaires conservées concernant l'inquisition espagnole. Elles étaient produites et conservées par chacun des tribunaux de district, d'une part, par le Conseil de l'inquisition de l'autre.
Les tribunaux de district archivaient: a) les papiers concernant les causes de foi: dossiers originaux, livres de témoignage et de dénonciation; b) la correspondance active et passive avec le Conseil et les autres tribunaux de district en toutes matières; c) la correspondance avec les comissaires locaux; d) les dossiers concernant le recrutement des agents locaux et des bas officiers du tribunal: familiers et commissaires, principalement, notamment les enquêtes de "pureté de sang" menées à ce propos; d) la documentation financière, qui concernait à la fois les finances propres du tribunal et celles des fondations qu'il gérait; e) les archives du "tribunal du juge des biens confisqués", qui concernaient les litiges à propos des biens confisqués; f) les procès criminels concernant le personnel de l'inquisition - y compris les familiers - jugé par le tribunal conformément à ses privilèges; g) les procès civils concernant le personnel de l'inquisition là où le tribunal le jugeait aussi en matière civile.
Le Conseil de l'inquisition archivait pour sa part: a) les documents produits par ses tutelles, le pape et le roi, concernant le tribunal et envoyés au Conseil; b) les registres de décision de l'inquisitieur général; c) les registres de décisions du Conseil; d) la correspondance active et passive avec les tribunaux de district, qui inclue les fameuses relaciones de méritos; e) les dossiers concernant le recrutement des inquisiteurs, procureurs fiscaux, secrétaires et hauts officiers des tribunaux de district, ainsi que tout le personnel du Conseil, notamment les informations de pureté de sang; f) la documentation financière, principalement les séries de reddition de compte des trésoriers des tribunaux de district et celles du trésorier du Conseil; g) les dossiers des "visites" d'inspection réalisées auprès des tribunaux de district; h) les cause de foi dont le Conseil avait demandé communication aux tribunaux de district; i) les causes criminelles contre le personnel du Conseil ou des tribunaux de district dont le Conseil avait demandé communication; j) des séries artificielles composées de copies ou documents extraits des séries précédentes, présentant une finalité pratique: collections de précédents favorables à la juridiction du tribunal ou instruments de travail, principalement; k) la documentation concernant les censures d'ouvrages publiés, censures que seul pouvait prononcer le Conseil, série qui regroupe une centaine de liasses.
Les fonds contenus dans les archives du Conseil ont été produits par quatre secrétariats: la Secretaría de cámara de l'inquisiteur général pour les séries le concernant; la Contaduría general pour les fonds concernant les affaires financières; la Secretaría de Aragon pour les fonds concernant les tribunaux de la Couronne d'Aragon, d'Italie (Sicile, Sardaigne) et d'Amérique, ainsi que les documents concernant l'inquisition en général; la Secretaría de Castilla pour les fonds concernant les tribunaux de Castille et des Canaries. La présence de deux organismes distincts à compétence géographique signifie que nombreuses séries thématiques sont dédoublées, notamment la correspondance active du Conseil, répartie en deux séries parallèles selon le tribunal destinataire. Par ailleurs, les habitudes des deux secrétariats n'étant pas parfaitement identiques, le détail de l'organisation des séries peut différer.
Le passage du temps a fortement affecté la préservation des documents. En règle générale, les archives du Conseil sont correctement conservées à partir de 1562, date de sa sédentarisation à Madrid. Antérieurement, ne sont guère préservés que les documents des tutelles, les registres de décisions du Conseil et de l'inquisiteur général, les registres de correspondance active. Ces papiers n'ont subi par ailleurs que l'usure normale du vieillissement. Les démanagements successifs après la supression de l'institution, d'abord à la Biblioteca Nacional de Madrid, puis à l'Archivo Histórico Nacional, leur dépôt actuel, ne semblent pas avoir provoqué de dégats notables. On a pu montrer par l'étude des inventaires anciens que la partie concernant le XVIe siècle était aujourd'hui encore dans l'état où elle se trouvait au début du XVIIe.
L'état des archives des tribunaux de district est beaucoup moins satisfaisant. Les pertes cumulées dues à la Guerra de la independencia contre la France (1808-1814), aux troubles qui accompagnèrent l'instauration du régime constitutionnel en 1820 et qui se traduisirent en plusieurs endroits par le pillage du siège de l'inquisition locale, à la négligence postérieure à l'abolition du tribunal et à la nationalisation de ses archives dans les années 1830, font que ne sont plus conservées que les séries suivantes:
- les archives du tribunal de Cuenca, au centre de l'Espagne, sept cent cinquante trois liasses et cent quarante six registres déposés à l'Archivo diocesano de Cuenca, à Cuenca;
- les archives du tribunal de Tolède, plus de cinq cents liasses et un nombre important de registres, déposées à l'Archivo Histórico Nacional de Madrid;
- les archives du tribunal de Valence, plus de six cents liasses et de nombreux registres, à l'Archivo Histórico Nacional de Madrid;
- les archives du tribunal des Canaries, regroupées après une histoire mouvementée au Museo Canario, de las Palmas de Gran Canaria, en cours de classement;
- une partie au moins des fonds de l'Inquisition de Saragosse, en 125 liasses, conservés jadis à la Audiencia Territorial de Zaragoza, à Saragosse, aujourd'hui à Archivo Histórico Provincial de la même ville, outre une douzaine de liasses non encore cataloguées déposées au Grand Séminaire de la ville;
- les informations de pureté de sang de l'Inquisition de Cordoue et des fragments de ses livres de compte (à l'Archivo Histórico Nacional de Madrid);
- les causes civiles de l'Inquisition des Baléares jusqu'en 1506 (à l'Archivo del Reino de Mallorca, Palma de Majorque);
- 230 volumes de procés en matière financière et d'archives financières de l'Inquisition de Murcie, pour l'ensemble de son histoire (1500-1834) Archivo Histórico Provincial de Murcia);
- outre les archives du tribunal de México et des fragments des archives de l'inquisition de Lima, concernant surtout son histoire financière, dans la description desquel nous n'entrons pas ici (voir: Séries documentaires, Amérique).
Pour les tribunaux de Séville, de Saint-Jacques, de Llerena, de Logroño, de Grenade et de la cour, des fragments de leurs archives financieres conservées à l'Archivo Histórico Nacional. Pour le reste, et pour les autres tribunaux (Sicile, Valladolid, Barcelone), force est de se reporter aux papiers du Conseil concernant le district sur lequel porte la recherche, documentation dont la consultation, par ailleurs, est nécessaire dans tous les cas, car elle met en contexte les séries locales.
La plupart des séries préservées présentent elles-mêmes des lacunes plus ou moins importantes. Une comparaison des procès conservés de l'inquisition de Tolède avec les listes établis sur le moment par les inquisiteurs montre que, pour l'inquisition de Tolède, 85% des dossiers originaux de causes de foi sont perdus pour les deux premières années de son existence, environ 75% pour le reste du XVIe siècle, 70% encore pour le XVIIIe siècle.
Les fonds sont restés assez bien groupés. Seuls des fragments de documentation inquisitoriale se trouvent hors de ces séries. On signale quelques rares tableaux du XVIIe siècle commandés par le tribunal pour fixer graphiquement le protocole des autodafés, tel celui intitulé à tort "Les fenêtres de Tolède" à la Casa del Greco de cette ville, ou le célébrissime "Autodafe de 1680", de Rizzi, au Prado. A Simancas, on a des fragments des archives du tribunal d'Osma, par ailleurs perdues. Des épaves sont dispersées dans de nombreuses archives européennes, certaines très intéressantes, comme la demi-douzaine de procès originaux de l'Inquisition de Tolède conservés à la Universitäts-und-Landesbibliotek Sachsen-Anhalt, de Halle; les dossiers originaux du même tribunal qui ont abouti dans les archives personnelles de l'historien américain Henry-Charles Lea; le procès de fray Bartolomé de Carranza, conservé à la Real Academia de la Historia de Madrid, le recueil réglementaire, en grande partie manuscrit, que la Bibliothèque Royale de Copenhague conserve sous le nom de "Codex Moldenhauer". D'autres documents, qui font parfois double emploi avec des pièces existant à l'Archivo Histórico Nacional, se trouvent au British Museum (fonds Egerton, avec entre autres des papiers en provenance de l'inquisition des Canaries) et à la Bibliothèque Nationale de Madrid (série "Manuscritos").
En dehors des archives produites par l'inquisition elle-même, il existe peu de véritables séries concernant le tribunal. C'est là un effet de l'institutionalisation immédiate de celui-ci sous l'autorité royale, qui a délimité d'emblée un champ inquisitorial distinct des autres domaines juridictionnels. Cette séparation n'est évidemment pas totale. Tout d'abord, jusque vers le milieu du XVIe siècle les receveurs de l'inquisition doivent rendre compte au roi des fonds générés par les confiscations. Il existe donc dans les archives royales, notamment dans les séries du Mestre racional de la Couronne d'Aragon, des séries comptables concernant le tribunal, dont certaines ont été brillament mises en oeuvre pour l'histoire de l'inquisition (García Cárcel, 1976). L'inquisition en outre, comme toutes les juridictions, a été le terrain et l'objet de conflits de juridictions. Elle a largement collaboré avec les tribunaux royaux et ecclésiastiques. Elle est donc mentionnée à de nombreux endroits dans les papiers des Conseils, des municipalités, des évêchés, des couvents, des justices de tous ordres, dans des comptabilité de toute sorte. Certainement moins que d'autres institutions: volontairement repliée sur elle-même, elle a autant que faire se peut limité les contacts. La série des "consultes" du Conseil de l'inquisition au roi conservée à Simancas est, par exemple, particulièrement brève comparée à ce celle des autres institutions similaires.
Comparé aux archives de l'inquisition italienne, celles de l'inquisition espagnole sont remarquablement structurées. Cela tient à l'étroite relation que l'institution entretient ici avec l'Etat. Elle établit d'abord un cadre géographique stable et uniforme. Elle établit aussi une uniformité des pratiques administratives, qui génére des séries homogènes, des genres parfaitement définis du point de vue formel, reproduits selon un modèle unique d'un bout à l'autre du territoire controlé: la relation de cause, le procès de foi, les registres de consultes, les registres de cédules royales, la 'carta acordada', l'information de pureté de sang, la censure de livre, etc. Dans de nombreux cas, l'inquisition se contente d'ailleurs de reprendre la pratique d'institutions royales similaires, tribunaux ou conseils: l'organisation des archives de la Suprema est très proche de celle de n'importe quel autre conseil de la monarchie, jusque dans le détail de l'intitulé des séries. Institution d'Etat, enfin, l'inquisition espagnole a vu ses archives saisies officiellement comme biens nationaux par ce dernier lors de son abolition. Cela a joué dans le sens de la conservation, et surtout de la traçabilité: localiser les fonds subsistant, établir le certificat de décès de la plupart de ceux qui ont disparu, s'orienter dans les fonds subsistant, est une tâche relativement aisée.
La concentration des archives centrales et de plusieurs tribunaux de district en un même site, à l'Archivo Histórico Nacional de Madrid, a facilité, dans les années 1970 particulièrement, la naissance d'un groupe informel mais très soudé de jeunes chercheurs, unis dans un premier temps par la fréquentation des mêmes lieux, par la conscience ensuite d'une proximité méthodologique. La facilité à localiser les fonds, la présence de séries massives homogènes - encore qu'incomplètes -, très parlantes sur l'organisation du tribunal, a conduit en effet l'historiographie sur des pistes spécifiques. L'inquistion espagnole a été un terrain de prédilection, il y a une trentaine d'années, pour les études quantitatives. Elle l'a aussi été pour les études institutionnelles, qui ont en leur temps beaucoup fait avancer les études inquisitoriales. Si l'aspect officiellement judiciarisé du travail inquisitorial, les procès 'en forme', les grandes machines judiciaires, ont été vues et analysées, le travail informel de l''inquisition capillaire' a échappé à cette école. Il était réservé aux historiens italiens d'en mettre en valeur toute l'importance, contraints qu'ils étaient par une documentation beaucoup moins structurée à une approche beaucoup plus ondoyante, plus "capillaire" de leurs sources.

Bibliographie

  • Avilés, Miguel, Martínez Millán, José, Pinto Crespo, Virgilio. 1978. El archivo del Consejo de la inquisición. Aportaciones para una historia de los archivos inquisitoriales, «Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos», 1978, LXXXI, p. 459-518
  • Betancor Pérez, Fernando. 2005. El archivo del Santo Oficio canario. In: Farjardo, Francisco, ed., XVII Coloquio de historia canario-americana: V centenario de la creación del Santo Oficio ede Canarias, Las Palmas de Gran Canaria, Cabildo Insular de Gran Canaria, 2005, pp. 137-164
  • Dedieu, Jean Pierre. 1989. L'administration de la foi. L'inquisition de Tolède (XVIe - XVIIIe siècle). Madrid, Casa de Velazquez.
  • Henningsen, Gustav. 1977. El banco de datos del Santo Oficio. Las relaciones de causas de la Inquisición española (1550-1700), «Boletín de la Real Academia de la Historia», t. CLXXIV, p. 547-570
  • Moreno,Natividad. S.d. Inquisición. Guía sumaria de la Seccion Inquisición, catalogue manuscrit disponible à l'Archivo Histórico Nacional de Madrid.
  • Paz y Mélia, A. 1947. Papeles de Inquisición. Catalogo y extractos, 2a ed., Madrid, Patronato del Archivo Histórico Nacional.
  • Pérez Ramírez, Dimás, Triguero Cordente, Francisco Javier. 1982 - 1999. Catálogo del archivo de la Inquisición de Cuenca / Papeles sueltos de la inquisición de Cuenca. Madrid / Cuenca, FUE / Diputación Provincial de Cuenca

Voir aussi

Article written by Jean Pierre Dedieu | Ereticopedia.org © 2014-2015

et tamen e summo, quasi fulmen, deicit ictos
invidia inter dum contemptim in Tartara taetra
invidia quoniam ceu fulmine summa vaporant
plerumque et quae sunt aliis magis edita cumque

[Lucretius, "De rerum natura", lib. V]

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